Négocier avec des Allemands quand on est Français

En tant que franco-allemand je me suis toujours posé la question sur les différences entre nos deux cultures et aussi les raisons de ces différences. Car des différences il y en a ! Ces différences sont d’autant plus surprenantes car on ne s’y attend pas. Le fait d’être ami et géographiquement proche n’efface pas les différences. Et tant mieux.

Donc, la question n’est pas d’effacer ces différences mais de les comprendre et les utiliser pour une meilleure synergie.

Commençons avec la négociation et les points qui nous demandent une certaine attention.

  1. Exprimer son désaccord. Les deux cultures sont très proches sur ce point. Toutefois, les Allemands vont plutôt être dans la confrontation pour exprimer un désaccord.

En effet, votre interlocuteur n’hésitera pas à dire clairement les choses et pourra utiliser des « upgraders ». Un « upgraders » est un mot qui renforce ou intensifie ce que l’on est en train de dire.

Par exemple :

« Je suis en total désaccord avec vous ».

Le mot total est l’ « upgraders ». Avant de ranger vos affaires et de quitter la négociation parce que vous pensez qu’il n’y a plus rien à obtenir, rappelez-vous que les Allemands négocient différemment et sachez analyser ce message. Ce désaccord si fortement exprimé est en réalité une invitation à négocier. Cela vaut donc la peine de rester et de poursuivre la négociation !

  1. Les Français peuvent être gênés par cette façon très allemande d’exprimer un désaccord. En effet, un Allemand est capable d’exprimer son avis sans aucune émotion ni empathie ce que son interlocuteur français risque de considérer comme une approche très froide et distante. Les Français sont effectivement beaucoup plus expressifs et montrent facilement leurs émotions, en tout cas beaucoup plus que les Allemands qui peuvent également être surpris et déconcertés. Même si un Allemand exprime son désaccord sans aucune émotion et en quelques mots avec l’emploi de « upgraders », ceci ne l’empêche pas de vouloir développer une relation amicale avec son interlocuteur français (ce qui peut étonner le Français par la même occasion). Un Français exprimera un désaccord en exprimant beaucoup plus ses émotions (« Non, non, non, ce n’est pas possible » en soutenant la phrase avec un langage corporel approprié).

Vu que ces différences culturelles peuvent compromettre une négociation, il est donc nécessaire de les connaître afin de ne pas se laisser surprendre.

  1. Un autre point important est de développer une relation de confiance et la façon de la développer. Nous sommes sur ce point également très différents. Ce qui compte pour un Allemand ce sont les résultats du travail. On a confiance en une personne compétente, efficace, qui fait ce qu’elle a annoncé. Pour un Français, ces facteurs sont certes importants mais ne seront pas suffisants. En effet, la dimension travail ne suffit pas, un Français aura confiance s’il fait connaissance et apprend à connaître la personne dans sa globalité d’où l’importance des repas d’affaire à la française ou d’aller boire un café à la machine à café. Ces instants passés ensemble à discuter de choses et d’autres, généralement sur des domaines extra- professionnels, pourront être perçus comme une perte de temps pour un Allemand mais s’avèrent être en réalité une étape nécessaire à la construction d’une relation de confiance.
  1. Autre grande différence : que se passe-t-il une fois les négociations terminées ? Pour un Allemand, le contrat est rédigé et signé ce qui signifie pour lui qu’on peut maintenant commencer à l’appliquer. A partir de ce moment, on va appliquer et réaliser ce qui est écrit. A l’inverse, les Français vont s’avérer d’être plus flexibles dans ce domaine. Ils vont bien entendu appliquer le contrat mais s’ils voient des options ou des possibilités pour faire mieux ils n’hésiteront pas s’adapter et à apporter des modifications au contrat ce qui peut être très déconcertant pour un Allemand qui peut avoir l’impression de tout recommencer (« Nous avons passé des heures à négocier et signer un contrat pour rien car nous allons devoir tout reprendre au début»).

drapeau-franco-allemandIl s’agit de quelques caractéristiques non-exhaustives dont il est important de se rappeler lors de négociations entre partenaires issus de nos deux pays.

Petite remarque pour conclure et relativiser quelque peu ces propos : On parle souvent des Allemands et des Français, toutefois, il s’agit là de lieux communs et on peut naturellement trouver dans chaque pays des personnes qui ne répondent pas à ce mode de fonctionnement. Chaque individu ayant sa propre personnalité, il est possible de trouver des contre exemples dans les deux pays. Par chance, chaque individu est unique !

Et vous, quelles sont vos expériences dans ce domaine ?

A propos de Dirk Doppelfeld

Dirk Doppelfeld, 50 ans, consultant et formateur en management de projets, a crée son cabinet de conseil Project & Service Solutions en 2011 après avoir évolué pendant 18 ans au sein d’une entreprise internationale.
Né en Allemagne près de Cologne il décide de partir en France en 1990 pour y s’installer durablement. Après avoir vécu quelques années à Paris il part vivre à Orléans. Dirk est marié et père de trois enfants. Depuis 2010, Dirk est fortement engagé au PMI où il a occupé plusieurs fonctions, notamment au sein de la Direction des Programmes au niveau de la branche de Paris ainsi qu’au niveau national.
Il est actuellement vice-président du PMI France et siège au conseil d’administration où il s’occupe des projets stratégiques et spéciaux.

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